Entre fantasme et réalité, le Métavers suscite depuis plusieurs mois un intérêt croissant et ouvre de nouvelles perspectives, notamment dans le domaine de la formation professionnelle.
Certaines entreprises n’hésitent pas à s’appuyer sur l’immersion dans des environnements virtuels multi-joueurs pour former les futurs collaborateurs aux conditions de travail, développer leurs compétences et améliorer leur performance opérationnelle.
Dans son « Live Session » du 1er février 2023 à l’occasion du salon Learning Technologies, Jérôme Poulain a démontré le potentiel et la puissance de la simulation multi-joueurs dans un univers virtuel, au service de la formation. Ses propos sont illustrés de cas concrets dans le domaine de l’industrie et de la logistique.
Pour commencer, qu’est-ce que le métavers ?
« Contrairement à ce que l’on peut imaginer, les métavers ne sont pas tout neufs. Cela existe même depuis assez longtemps. Le premier métavers auquel personnellement j’ai joué, c’était HABBO. Et ce n’est pas très récent ! Vous-même, vous avez peut-être participé à un grand jeu virtuel qui s’est largement développé dans le monde en 2003 : Second Life. Second Life était déjà un grand métavers, commercialisé avec des personnages que l’on pouvait transformer, des boutiques, … On pouvait y avoir l’apparence que l’on souhaitait.
Aujourd’hui, beaucoup de personnes rêvent de métavers comme cela peut exister dans des films tels que READY PLAYER ONE par exemple : c’est un jeu unifié mondial et tout le monde joue dans le même jeu. Mais dans les jeux vidéo, il y a déjà beaucoup de métavers !
La plupart du temps, ce sont plutôt des jeux avec un univers permanent. Je peux me connecter n’importe où, à n’importe quel moment : le jeu est ouvert et il continue de vivre même si je ne m’y connecte pas. Par exemple, si j’ai construit telle ou telle chose dans le jeu, quand je reviens cette chose aura peut-être disparu parce que d’autres, qui continuent de jouer, l’auront détruite. Ce type de jeu, immersif, crée par la même une forte dépendance. »
L’immersive learning : pour un apprentissage sans frontière
« Alors aujourd’hui, effectivement, on peut proposer aux apprenants de s’immerger dans un même environnement avec un casque de réalité virtuelle. Et faire en sorte que tout le monde travaille en mode collaboratif et non plus nécessairement en mode compétitif.
Pour ce faire, il faut créer un environnement virtuel. C’est un environnement 3D dans lequel on va recréer, par exemple, toutes les machines d’un atelier et leurs process de fonctionnement. S’il le faut, il est même possible de créer aussi un environnement vivant piloté par l’intelligence artificielle.
L’avantage de ce genre d’apprentissage virtuel, c’est que les apprenants ne sont pas obligés d’être au même endroit pour bénéficier de la même formation.
On peut inviter quelqu’un à Paris et l’autre à New-York. Les deux participants vont travailler en collaboration, simplement en mettant un casque VR. Ils seront dans le même environnement et pourront bien sûr communiquer. Pour plus de réalisme, on pourra aussi injecter des inputs qui seront gérés par l’application. Par exemple : créer des scénarios plus naturels et de la complexité au niveau de la réalisation de missions. »
Quand la pédagogie rencontre le digital
« La pédagogie initiale est transmissive de l’adulte vers l’enfant. Ensuite, on a décalé cela avec la notion d’andragogie. On a considéré que l’on ne pouvait pas travailler avec un adulte comme avec un enfant. En effet, avec un adulte, la formation ne peut pas être que verticale. Il faut obtenir des feedbacks, déclencher des activités plus riches, interactives et donc adopter des pédagogies dîtes « inductives » (qui procèdent par induction). On va donc introduire de la diversité dans les approches.
Aujourd’hui, on va plutôt parler d’« heutagogie ». L’heutagogie, c’est le fait de positionner l’apprenant au cœur d’un dispositif de formation dans lequel on lui « apprend à apprendre ». On lui apprend à utiliser un environnement ; ensuite, il est libre d’y chercher toutes les briques de connaissances dont il a besoin pour progresser.
Ce nouveau type de pédagogie est possible par le développement de plateformes et d’univers comme les métavers professionnels. »
Le métavers professionnel, une formation digitale accompagnée et personnalisée
« Dans ces métavers professionnels, il y a un apprentissage et une direction, donc une mission. Naturellement, il reste des formateurs auprès des apprenants. Ceux-ci jouent également le rôle de modérateurs. Ces environnements, on va les appeler « campus virtuels ».
On peut tout à fait créer un campus virtuel de type métavers pour une société, en le limitant néanmoins. Il ne sera donc pas universel mais limité à une entreprise. Y sera recréé tout le processus interne : des unités de production au commerce, en passant par l’administration commerciale, le SAV…
Dès lors, il peut être envisagé en mode multi-joueurs. Il ne faut plus penser qu’une expérience immersive se résume à un apprenant seul qui doit réagir par rapport à un avatar qui lui communique des informations ou petits inputs. On peut désormais être nombreux.
Le formateur peut lui aussi être présent. Il peut mettre un casque et s’immerger en réalité virtuelle pour accompagner ses apprenants. Il est ainsi possible de penser compagnonnage. »
« Le gros avantage de ce type de formation virtuelle est que l’on peut mobiliser ses fonctions motrices, à savoir son corps, sa force (exemple : au travers de gants haptiques, de tapis de marche, …).
On peut en faire de même avec ses fonctions émotionnelles : la réalité virtuelle engendre tout un ensemble d’émotions qui sont les émotions naturelles du travail quotidien. Par exemple : si vous voulez travailler en hauteur et que vous avez le vertige dans la vie réelle, vous l’aurez aussi en virtuel !
Il y a d’autres fonctions sensorielles, telles que l’odorat. On a aujourd’hui des interfaces qui permettent de coupler des diffuseurs de parfums pilotés par l’ordinateur… L’immersion est d’autant plus intense. Par exemple, on peut confronter un apprenant à un feu virtuel dans un d’entrepôt, comme un jerrican en train de brûler. L’apprenant pourra sentir l’odeur du pétrole et même ressentir une hausse de température. Il est en effet possible de piloter des radiants qui vont s’allumer et monter en puissance au fur et à mesure que la personne s’approche du feu. Comme elle porte un casque VR, la personne ressent les choses beaucoup plus fortement.
L’intérêt de ces expériences est également de récupérer des données de l’apprenant, par exemple physiologiques.
C’est ainsi qu’Audace a conçu un simulateur de conduite de pont roulant sur lequel le pontier est équipé d’un bracelet qui récupère trois données : son rythme cardiaque, sa sudation et la température du corps. Ces données, interprétées par une IA, permettent de mesurer le stress du pontier et le point de bascule entre stress positif (attention maximale) et stress négatif (perte de contrôle). »
Quand utiliser le métavers en milieu professionnel ?
« On privilégie la réalité virtuelle et ce type d’environnement « métavers » dans des situations qui répondent à l’un des 4R :
- Situations rares : Je dois par exemple faire une opération de maintenance dans un environnement très radioactif. J’ai 30 secondes pour le faire parce que je prends une dose pour le mois en termes de radiations. Je vais m’entrainer via la réalité virtuelle pour le faire dans un environnement au plus proche de la réalité.
- Situation à risques : Je veux former une personne au travail en hauteur. Je vais la faire essayer un simulateur de conduite de nacelles et je l’emmène virtuellement à 100m de haut pour voir si effectivement elle aura le cran de travailler dans la nacelle sans que cela ne devienne un piège professionnel.
- Situation de répétition : Dans le sens d’une répétition avant une opération sensible. Je dois faire une opération de levage qui risque de faire des dégâts si l’objet à lever se détache ou poursuit une mauvaise trajectoire, je répète les manipulations en virtuel avant de me confronter au réel
- Situation répétitive : Sur une machine intégrée à une ligne de production, je dois atteindre un certain niveau et un certain rythme. Il ne s’agit pas juste de savoir faire un geste ; il faut savoir le faire dans le temps imparti. Pour atteindre le niveau de productivité requis, il est très efficace de s’entrainer, sans stress, dans la réalité virtuelle. L’outil va permettre de détecter là où je gagne du temps et là où j’en perds. L’ordinateur enregistre tout et peut ressortir des métriques par rapport à tout ce qui a été bien ou mal fait. Ainsi, le formateur et moi-même auront un feedback extrêmement précis de ma capacité à réaliser une mission. »
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Audace vous accompagne
« Audace est en cours de conception d’un simulateur de type métavers. Il œuvrera dans le monde de la logistique. Dans cet environnement virtuel, plusieurs apprenants se formeront chacun à leur futur métier (pickers, co-packers, conducteurs de chariot). Ils devront collaborer pour réaliser une mission : faire partir une palette dans un temps donné. Le formateur pourra soit voir ce que ses apprenants sont en train de faire depuis l’écran de son ordinateur, soit mettre son casque de réalité virtuelle et partir les guider.
En conclusion, nous savons déjà créer des métavers professionnels au service de campus virtuels. Ceux-ci sont déjà expérimentés ! Alors, pourquoi pas vous ? »