VR et LMS/LRS : quelles compatibilités ?

Depuis plusieurs années, la réalité virtuelle (RV ou VR en anglais) révolutionne de nombreux secteurs, et la formation ne fait pas exception. En offrant des expériences immersives et interactives, la RV permet aux apprenants de se plonger dans des environnements simulés, favorisant ainsi une meilleure compréhension des concepts et une mémorisation accrue. Cependant, l’essor de la réalité virtuelle dans le domaine de la formation soulève de nouvelles questions. Comment suivre et évaluer les progrès des apprenants en réalité virtuelle ? Comment collecter et analyser les données générées par leurs interactions ? Cet article vise à identifier les concepts, les outils et les bonnes pratiques actuelles pour répondre aux besoins spécifiques du suivi de la formation en réalité virtuelle.

LMS, SCORM : Définitions et limites

Avant de plonger dans l’analyse de l’état de l’art sur les outils et méthodes de suivi de l’apprentissage en réalité virtuelle, il convient de rappeler quelques notions.

Un LMS (Learning Management System) est une plateforme qui permet de créer, de gérer et de suivre des parcours de formation en ligne : modules e-learning, quiz, capsules vidéos, classes virtuelles… Les LMS permettent notamment :

  • de créer des utilisateurs (apprenant, administrateur, tuteur…),
  • de déposer des contenus de formation (unité d’apprentissage) dans des cours ou parcours
  • de les assigner a des apprenants.

La plupart des LMS permettent d’enregistrer et analyser les remontées d’informations (de base) envoyées par les contenus de formation en utilisant la norme de communication SCORM (Sharable Content Object Reference Model). Modèle de référence pour les objets d’apprentissage partageables, SCORM regroupe un ensemble de normes techniques permettant de faire communiquer le contenu de formation avec le LMS de manière standardisée.

Les principaux outils de gestion de l'apprentissage (LMS) existants sont principalement conçus pour les formations en ligne traditionnelles : ces LMS ne permettent pas d’héberger des contenus en réalité virtuelle et, a fortiori, de collecter les données primaires de formation (score obtenu, temps passé, nombre de tentatives…).

SCORM vs. xAPI : quelles différences ?

Bien qu’il ait été un standard de référence pendant de nombreuses années, SCORM présente certaines limites par rapport aux nouvelles technologies d’apprentissage telles que la réalité virtuelle :  

  • En premier lieu, SCORM est fortement lié à l’environnement LMS. Son utilisation dans d’autres contextes tels que les formations immersives ou les simulateurs VR n’est donc pas possible.
  • De plus, utilisé pour tout autre type d’apprentissage, SCORM se concentre principalement sur les résultats finaux (remontée d’une note, réussites/échecs), sans fournir une vision détaillée (grain par grain) du parcours de l’apprenant ou de ses interactions avec le contenu.

Face aux limites du SCORM et pour répondre au besoin d’une plus grande précision (ou granularité) dans la collecte de données, notamment dans les environnements d’apprentissage immersifs, le xAPI (Experience API) est apparu.

Contrairement au SCORM, le xAPI permet de capturer toutes les interactions d’un apprenant avec un contenu, qu’il s’agisse d’un clic, d’une réponse à une question, ou d’une action dans un environnement virtuel.

Vient alors le LRS...

Le LRS (Learning Record Store) joue un rôle central dans l’écosystème xAPI. 

Contrairement au LMS, qui gère principalement les cours en ligne, le LRS est conçu pour stocker toutes les données liées aux expériences d’apprentissage, sous forme de traces xAPI. 

Véritable « journal de bord » des apprenants, il recueille et analyse en profondeur leurs interactions avec le contenu de formation. Qu’il s’agisse de mouvements, de gestes, d’expressions faciales, ou même du suivi des yeux (eye tracking), le LRS enregistre une multitude de données. Il peut ainsi suivre aussi bien des expériences formelles (comme des modules e-learning) qu’informelles (consultation de sites web, participation à des événements, lecture de livres, etc.). Peu d’activités échappent à cette capacité de suivi, permettant une analyse personnalisée et approfondie de chaque parcours.

Ces informations sont appelées « traces d’apprentissage », « traces xAPI » ou encore « xAPI statements »

Les enjeux de la remontée de données des formations immersives en VR

L’intégration de la réalité virtuelle dans les parcours de formation ouvre de nouvelles perspectives pour l’apprentissage, mais soulève également des défis en termes de suivi et d’évaluation. La collecte et l’analyse des données générées par les interactions des apprenants en VR représentent un enjeu majeur.

En permettant une meilleure compréhension des interactions des apprenants, ces données offrent de nouvelles perspectives pour personnaliser les parcours de formation, améliorer l’efficacité des contenus et développer de nouvelles méthodes pédagogiques adaptées à l’environnement immersif.

  • Mesure de l’engagement : en mesurant le temps que les apprenants passent sur chaque tâche ou module, il est possible d’identifier les contenus les plus engageants ;
  • Identification des difficultés : en analysant les actions des apprenants, il est possible d’identifier les points où ils rencontrent des difficultés. L’analyse des erreurs commises permet de mettre en évidence les concepts mal compris et d’ajuster les explications.
  • Personnalisation de l’apprentissage : en fonction des données collectées, il est possible de personnaliser le parcours de formation de chaque apprenant, en lui proposant des activités adaptées à son profil et à ses besoins.
  • Évaluation de l’efficacité des contenus : l’analyse des données permet d’évaluer l’efficacité des différents contenus et de les améliorer en conséquence.

Limites actuelles des LMS face aux défis de la VR

Les LMS ont été conçus initialement pour répondre aux besoins des formations en ligne traditionnelles (i.e. via une interface ordinateur). Bien qu’ils soient des outils puissants, la quasi-totalité des LMS ne permettent d’héberger ni de créer des contenus jouables via un casque de réalité virtuelle.

Une solution partielle existe et consiste à utiliser le webservice de la plateforme LMS. Lorsque celui—ci existe et est configuré, il permet à une application externe de communiquer avec la plateforme pour échanger des informations (authentification de l’utilisateur et transmission des données SCORM).

 

La mise en place de ce webservice est rarement incluse dans les prestations d’installation et de configuration de la plateforme et nécessite généralement des prestations supplémentaires. Par ailleurs, l’implémentation dans le contenu VR de la brique de communication avec le webservice nécessite des compétences de développement web complémentaires aux compétences de développement applicatif VR et représente un coût supplémentaire pour chaque nouveau contenu VR.

LMS, LRS : les tendances du marché

Face aux limites des LMS traditionnels, le marché évolue rapidement pour répondre aux besoins spécifiques des formations en réalité virtuelle. Plusieurs tendances émergent :

Émergence de plateformes LMS spécialisées VR

Des nouvelles plateformes LMS voient le jour, conçues spécifiquement pour gérer des formations en VR. Ces solutions peuvent intégrer nativement les moteurs de jeux (Unity, Unreal Engine) et offrent des fonctionnalités avancées pour la création, le déploiement et le suivi des expériences immersives.

Malheureusement, ces plateformes commerciales sont majoritairement des solutions propriétaires qui s’ajoutent inévitablement aux plateformes LMS classiques. Cela a pour conséquence de doubler le coût de souscription aux services de plateforme de formation. Par ailleurs ces solutions peuvent poser des problèmes juridiques vis à vis de la protection des données personnelles (mode SASS avec stockage dans le cloud).

Du côté des LMS open-source...

Du côté des LMS open source comme Moodle, l’absence de prise en charge native des traces d’apprentissage xAPI représente une limitation majeure, surtout pour les acteurs de la formation immersive (VR, AR, et XR). Cela signifie que, sans l’ajout de fonctionnalités ou de plugins spécifiques, ces plateformes ne peuvent pas enregistrer et analyser en détail les interactions complexes des utilisateurs dans les environnements immersifs, comme les mouvements, les gestes, ou les actions spécifiques réalisées dans un espace virtuel. Ce manque réduit considérablement la capacité à suivre les progrès dans des expériences d’apprentissage riches et interactives, pourtant essentielles à la formation immersive.

Cependant, avec l’évolution rapide des technologies et des standards comme xAPI, des opportunités émergent pour surmonter ces limites. Des développements récents permettent une intégration plus fluide des contenus immersifs dans des LMS comme Moodle, notamment via des plugins ou des passerelles vers des LRS externes. Ces LRS, interconnectés avec Moodle, peuvent recueillir et stocker les données générées par les environnements immersifs, permettant ainsi de suivre de manière détaillée et exhaustive les interactions des apprenants dans la réalité virtuelle, augmentée ou mixte (XR).

Grâce à ces avancées, il devient possible de mieux intégrer des formations immersives au sein des parcours pédagogiques gérés par des LMS open source, ouvrant ainsi la voie à des expériences d’apprentissage plus engageantes et à une évaluation plus précise des compétences développées dans des contextes immersifs.

Du LMS vers un écosystème d'outils spécialisés : le Xleaning (Experience Learning Plateform)

La combinaison d’outils open source et spécialisés, reliés par des protocoles standard xAPI, permet de créer un environnement d’apprentissage sur mesure, plus flexible et adapté aux besoins spécifiques. Le choix de la solution la plus adaptée se basera alors souvent sur l’utilisation combinée et spécifique d’outils spécialisés pour constituer un vrai « écosystème d’expérience d’apprentissage ». Cela passe par une spécialisation des outils, comme par exemple :

  • Le LMS qui sera utilisé uniquement pour gérer l’authentification des apprenants, l’hébergement des modules et l’assignation des parcours.
  • Le « launcher »: installé sur le dispositif immersif, il fera le lien entre l’utilisateur connecté et la liste des modules VR auxquels il peut accéder en communiquant avec la LMS. Ce composant se chargera de télécharger et d’installer sur le casque automatiquement le module VR (s’il n’est pas déjà installé).
  • Le LRS sera uniquement dédié au traitement du stockage des traces d’apprentissage Xapi y compris en dehors de la LMS.

Les données des traces d’apprentissage du LRS seront quant à elles, exploitées par une solution d’analyse de données (Data Learning Analytics) pour générer des rapports personnalisés avec des indicateurs clés de performance (KPI) qui ont du sens pour la gestion de vos formations.

Le marché des LMS pour la VR est en pleine mutation. Par conséquent, les organisations doivent adopter une approche pragmatique et personnalisée pour choisir la bonne combinaison de solutions. Accompagné par une expertise technique solide, vous serez en mesure de créer des expériences d’apprentissage immersives et efficaces.

 

Conclusion

Pour tirer pleinement parti des potentialités de la formation en VR, il est recommandé d’adopter une approche modulaire et flexible :

  • Privilégier les solutions ouvertes et modulaires : Les solutions open source offrent une plus grande personnalisation et une meilleure intégration avec d’autres outils.
  • Définir une stratégie de collecte et d’analyse des données : Il est essentiel de définir clairement les données à collecter, les indicateurs clés à suivre pour choisir les outils d’analyse adaptés.
  • Miser sur l’interopérabilité : Choisir des outils compatibles avec les standards xAPI pour faciliter l’échange de données entre les différents composants de l’écosystème.
  • Collaborer avec les experts : Faire appel à des spécialistes en pédagogie, en technologie et en données pour vous accompagner dans la conception et la mise en œuvre d’une solution adaptée aux besoins spécifiques de votre organisation.

Le marché des outils de suivi de l’apprentissage en VR est en constante évolution. On peut donc s’attendre à voir émerger de nouvelles solutions toujours plus performantes et spécialisées. L’intelligence artificielle devrait également jouer un rôle de plus en plus important notamment dans l’analyse des données et la personnalisation des parcours d’apprentissage. Les standards ouverts comme xAPI continueront de se développer pour faciliter l’interopérabilité entre les différents outils.